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SYPHILIS

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Relativement à la mère, deux cas sont à considérer : l°la mère est déjà syphilitique à l’époque de la conception ; le virus syphilitique peut alors imprégner l’ovule d’emblée ou n’être transmis que plus tard ou enfin épargner l’enfant ; mais même dans ce dernier cas celui-ci, nourri de matériaux qui contiennent en plus ou moins grande quantité des toxines provenant de la mère, est susceptible de présenter des troubles plus ou moins graves de nutrition ; 2° la mère n’est infectée qu’après la conception, pendant la grossesse : l’enfant est alors engendré par des parents non syphilitiques, mais le virus peut passer de la mère à l’enfant par le placenta, il y a infection intra-utérine postconceptionnelle. La date de l’infection maternelle est d’ailleurs importante à considérer : si la mère contracte la syphilis avant le cinquième mois, le produit est infecté ; si elle ne la contracte que du cinquième au huitième mois, l’enfant a quelques chances de naître sain ; entre huit et neuf mois, l’enfant naît indemne d’une façon presque certaine. Toutefois cet enfant recevant de la mère, à partir de l’infection de celle-ci, des éléments nutritifs imprégnés de toxines syphilitiques, sera atteint dans sa nutrition. Les toxines, passant de la mère au foetus, exercent sur celui-ci une action vaccinante, immunisante ; et c’est un fait reconnu, et désigné sous le nom de loi de Profeta, que les entants sains, nés de parents syphilitiques, présentent habituellement vis-à-vis de la syphilis une immunité presque absolue.

Après avoir examiné I’inlluence de la syphilis des parents sur l’enfant, il convient d'e>aminer rapidement I’inlluence d’un fœtus syphilitique sur la mère ; dans ce cas, on a affaire à un enfant rendu syphilitique par le sperme du père. Dans quelle mesure cet enfant en échange nutritif continuel avec la mère peut-il agir sur elle ? De trois façons différentes : 1° l’enfant peut ne contaminer en rien la mère qui reste parfaitement indemne et qui l’est bien réellement, car elle pourra plus tard contracter la syphilis ; 2° la mère sera contaminée et deviendra syphilitique pendant la grossesse : et cette syphilis, qui porte Icnorn de conceptionnelle, se distingue principalement par l’absence d’accident primitif ; o" enfin la mère ne présente aucun symptôme de syphilis, mais elle a acquis l’immunité contre cette maladie : ce fait est connu sous le nom de loi de Colles : il tient à ce que la mère a été peu à peu vaccinée par le passage des toxines et a ainsi reçu l’immunité.

Les symptômes de la syphilis héréditaire sont précoces ou tardifs, d’où la division en syphilis héréditaire précoce et syphilis héréditaire tardive. Les lésions de la syphilis héréditaire se présentent d’ailleurs sans ordre ni régularité, et il n’est pas possible de distinguer ici une période secondaire ou tertiaire. Certaines manifestations permettent d’ailleurs souvent de porter un diagnostic dès la naissance, c’est ainsi qu’en présence d’un nouveau-né maigre, à faciès terreux, ayant du coryza, des fissures labiales, du pemphigus palmaire et plantaire, on peut porter le diagnostic de syphilis. Le pemphigus, purulent d’emblée, qui siège à la paume des mains et à la plante des pieds, a une grande importance comme signe révélateur ; les autres syphilides sont : des érythèmes, des papules squameuses siégeant surtout au nez, aux cuisses, aux lombes. Les lésions osseuses comptent parmi les plus fréquentes : le crâne peut être asymétrique, natiforme, olympien ; la voûte palatine est fréquemment déviée en ogive ; le nez en lorgnette par enchâssement delà partie inférieure dans la supérieure. Parmi les os des membres, le tibia, l’os révélateur par excellence, mérite une mention spéciale ; il estgontlé, inégal, en lame de sabre. Enfin la syphilis est une des causes les plus fréquentes du rachitisme, considéré comme une maladie parasyphilitique. A côté des affections des os, il faut signaler celles des articulations qui sont fréquemment le siège d’hydarthiose, etc. Le genou et l’épaule sont particulièrement frappés. Parmi les autres manifestations de l’hérédo syphilis, signalons : l’atrophie du testicule, la kératite interstitielle, l’hépatite diffuse, interstitielle, le rétrécissement mitral, les convulsions épileptiformes, les malformations dentaires. Pronostic. De l’étude que nous venons de faire des modes innombrables suivant lesquels la syphilis peut attaquer l’économie, il résulte qu’elle doit attirer toute l’attention du praticien. Elle est une maladie non moins grave si l’on envisage ses conséquences au point de vue de la natalité et de la descendance. Elle est un facteur de dépopulation incontestable, dont on a cependant exagéré la valeur au moins dans notre pays où sévissent avec une bien autre intensité d’autres causes, telles que la tuberculose, l’alcoolisme, et la restriction volontaire. Elle est aussi un facteur de la débilitation et de la dégénérescence de la race en adjoignant son action nocive à celles d’autres tares. Quand elle n’est pas elle-même une cause d’infirmités précoces et d’inaptitude physique, elle expose enfin les sujets qui en sont atteints à des complications prochaines ou éloignées qui peuvent mettre leur existence en sérieux péril, et principalement chez certains prédisposés (terrains nerveux, herpétique, etc). Mais la gravité de la syphilis a d’autre cêté diminué dans son ensemble, au moins dans les pays ou elle est à l’état endémique. L’influence du traitement y est probablement pour quelque chose. On sait d’autre part avec quelle intensité elle sévit dans les régions où elle se montre en quelque sorte accidentellement et par quels symptômes éclatants elle s’est traduite autrefois dans les pays où elle s’est trouvée subitement importée au point de donner l’impression d’une maladie étrange jusque-là inconnue. D’une façon générale, la syphilis se développe plus brutalement chez les sujets dont les antécédents sont irréprochables que chez ceux dont les ascendants ont pu être plus ou moins contaminés antérieurement, constatation analogue à celle qui peut se faire aussi dans d’autres états infectieux, en particulier la tuberculose. Mais, sauf exceptions, les malades peuvent se défendre victorieusement par un traitement bien conduit et surtout institué sans retard, des habitudes d’hygiène sévères, la proscription de tous les débilitants (alcool, tabac, excès vénériens, etc.), une vie calme, exempte de soucis et de tracas, de surmenage surtout. Immunité. Une première infection syphilitique confère presque obligatoirement l’immunité. Il y a dans la littérature médicale un certain nombre de cas de réinfection concernant des sujets ayant déjà traversé antérieurement toutes les phases de la maladie, et quelques-uns de ces cas, observés par des spécialistes éminents, paraissent ne pouvoir être mis en doute, malgré les dénégations d’autres médecins qui, parmi de très noubreux malades, n’ont pas eu la bonne fortune d’en observer. Nier n’est pas prouver, et d’ailleurs il est permis de se demander pourquoi il ne pourrait se produire pour la syphilis ce qui existe pour d’autres maladies infectieuses. Les récidives de variole, de fièvre typhoïde, voire même de rougeole, ne sont plus mises en doute. Il est donc permis d’affirmer qu’à une certaine période, pour la syphilis, l’immunité peut cesser aussi, surtout si la syphilisation a été bénigne, comme cela se voit dans tant de cas. Quoiqu’il en soit, dans la généralité des cas, on peut dire que la syphilis ne récidive pas. Mais l’immunité n’est pas seulement conférée par une première atteinte. Klle peut l’être aussi par l’hérédité. Les enfants, issus de parents syphilitiques, sont presque toujours réfractaires à l’action du virus, ou bien leur prédisposition est à ce point atténuée que leur affection suit une marche bénigne. Cependant cette immunité semble s’effacer avec le temps, et on cite des sujets qui, bien qu’héréditaires confirmés, ont été atteints de syphilis sévère aux confins de l’âge adulte. Il est enfin une troisième variété d’immunité, tout au moins apparente : c’est celle dont semble bénéficier la femme qui porte dans son sein un enfant procréé par un père syphilitique. Unité, dualité. La syphilis, loin d’être une maladie sans confins limités, comme on l’a cru longtemps et jusqu’au