Page:Grave - L’Anarchie, son but, ses moyens.djvu/122

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soit appliquée telle que vous l’avez conçue, vous oubliez que c’est par les institutions existantes qu’elle doit être mise en pratique, et que, encore une fois, leur rôle est d’empêcher de porter atteinte aux pseudo-droits du capital sacré.

Votre réforme vous paraît admirable, en théorie, parce que vous avez oublié de la comparer avec toutes les contingences qui doivent la modifier en pratique ; mais une réforme pour améliorer réellement le sort matériel des travailleurs, donner satisfaction à quelques-uns des désirs que comprime notre état social, devrait rogner sur les bénéfices du capitaliste. Or, c’est une chose que celui-ci n’acceptera jamais, tant qu’on ne l’y aura pas contraint.

— Cependant ?…

— Il n’y a pas de cependant. Ou bien votre prétendue réforme ne réformera rien, elle ne touchera pas aux bases essentielles de la société capitaliste ; alors, soyez sans crainte, on l’appliquera en toute sa teneur, en ayant l’air de vous faire une concession énorme ; ou bien si, vraiment, elle modifie en bien quelque rouage capitaliste, soyez certain que ce ne sera qu’en aggravant les effets d’un autre côté — si ceux qui seront chargés de l’appliquer n’ont pas su, auparavant, la châtrer complètement.

En sociologie comme en physique, rien ne se crée de rien. Votre amélioration ne sera qu’apparente. Vous aurez déplacé le mal, vous ne l’aurez pas guéri, et n’aurez réussi qu’à créer un trompe-l’œil, un mensonge de plus.

Tant que les riches vivront sur le travail des pauvres, il faudra bien que ce soient ceux-ci qui