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ET L’ANARCHIE


Mais ce qui nous indigne encore plus, c’est qu’il y ait des individus assez audacieux pour s’ériger en juges des autres. Alors que l’autorité s’appuyait sur une source divine, alors que la justice passait pour une émanation de Dieu, nous comprenons que ceux qui en étaient investis se crussent des êtres à part, doués, de par la volonté divine, d’une parcelle de son omnipotence, de son infaillibilité, et se figurassent être aptes à distribuer récompenses et châtiments au troupeau des vulgaires mortels.

Mais, dans notre siècle de science et de libre critique, où l’on reconnaît que tous les hommes sont pétris de la même pâte, sujets aux mêmes passions, aux mêmes fugues, aux mêmes erreurs ; aujourd’hui que la Divinité agonisante ne vient plus animer de son souffle la raison toujours faillible des individus, nous nous demandons comment il y a des hommes assez ignares ou assez outrecuidants pour oser assumer de sang-froid, de propos délibéré, la terrible responsabilité d’enlever à un autre homme sa vie ou une partie de son indépendance.


Lorsque tous les jours, dans les choses les plus ordinaires de la vie, nous ne pouvons, les trois quarts du temps, arriver à analyser, non seulement les causes qui font agir nos prochains immédiats, mais bien souvent les véritables mobiles de nos actes à nous-mêmes, comment peut-on avoir cette