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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

demander davantage à celui que sa situation n’expose pas à souffrir des privations physiques et morales qui accablent le déshérité. Cela est déjà beau, mais ce n’est qu’un rêve, hélas ! tant que vous n’aurez pas brisé le système d’exploitation qui rend décevantes et illusoires toutes ces promesses. Le capitalisme a plus d’une corde à son arc, et, en admettant que la multiplicité des produits les abaissât à un prix tellement modique, que l’ouvrier puisse économiser sur son salaire, il interviendrait, ici, un autre facteur que vous avez cité vous-même : l’augmentation de la population.

À l’heure actuelle, le marché industriel est encombré de produits, le développement de l’outillage mécanique augmente, chaque jour, le nombre des inoccupés. Ceux-ci, pour trouver à s’employer, sont forcés de se faire concurrence et de travailler à bas prix ; or, comme le progrès continue son œuvre et va toujours croissant, comme chaque homme peut actuellement produire pour dix, quand la population aura doublé, la production aura vingtuplé et ce bien-être que vous aurez cru créer pour les travailleurs ira grossir les bénéfices de l’usinier qui paiera d’autant moins ses esclaves qu’ils seront plus nombreux sur le marché.

Vous dites que les réclamations des travailleurs sont justifiées, dans une certaine mesure, tant qu’elles ne prennent pas la forme violente ; mais avez-vous réfléchi qu’ils luttent depuis des milliers