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ET L’ANARCHIE

de savoir pourquoi ou les faisait agir, mais de « croire » assez pour obéir aveuglément aux ordres reçus, ils n’avaient pas besoin de se tuer à leur fournir des arguments.

Croyant aux hommes providentiels qui devaient penser et agir pour eux, la masse des prosélytes n’avait nul besoin d’apprendre tant de choses. Est-ce que les chefs n’avaient pas, tout préparé dans leur cerveau, un plan de réorganisation sociale qu’ils s’empresseraient d’appliquer une fois portés au pouvoir ? Savoir se battre et se faire tuer, c’est tout ce que l’on demandait au vulgaire d’apprendre et d’exécuter. Une fois les chefs en place, le bon populo n’avait qu’à attendre, tout devait lui venir à point, sans qu’il eût à s’inquiéter !

Mais les idées anarchistes sont venues bouleverser tout cela. Niant la nécessité des hommes providentiels, faisant la guerre à l’autorité et réclamant pour chaque individu le droit et le devoir de n’agir que sous sa propre impulsion, de ne subir aucune contrainte ni aucune restriction à son autonomie, proclamant l’initiative individuelle comme base de tout progrès et de toute association vraiment libertaire, l’idée anarchiste ne peut plus se contenter de faire des croyants, elle doit viser surtout à faire des convaincus, sachant pourquoi ils croient, parce que les arguments qu’on leur a fournis les ont frappés et qu’ils les ont pesés, discutés, et se sont rendu compte par eux-mêmes de leur valeur ; de là une