Page:Grave - La Société mourante et l’anarchie.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
ET L’ANARCHIE

Prenez un ouvrier, en le supposant des plus favorisés, gagnant, — relativement aux moins favorisés — — de bonnes journées, n’ayant jamais de chômages, jamais de maladies. Cet ouvrier pourra-t-il vivre de la vie large qui devrait être assurée à tous ceux qui produisent, satisfaire tous ses besoins physiques et intellectuels, tout en travaillant ? — Allons donc, ce n’est pas la centième partie de ses besoins qu’il pourra satisfaire, les aurait-il des plus bornés ; il faudra qu’il les réduise encore s’il veut économiser quelques sous pour ses vieux jours. Et, quelle que soit sa parcimonie, il n’arrivera jamais à économiser assez pour vivre à ne rien faire. Les économies faites dans la période productive arriveront à peine à compenser le déficit qu’amène la vieillesse, s’il ne lui survient des héritages ou toute autre aubaine qui n’a rien à voir avec le travail.

Pour un de ces travailleurs privilégiés, combien de misérables qui n’ont pas de quoi manger à leur faim ! Les développements de l’outillage mécanique ont permis aux exploiteurs de réduire leur personnel, les sans-travail devenus plus nombreux ont fait diminuer les salaires, multiplier les chômages, les maladies viennent les réduire encore, de sorte que l’ouvrier aisé tend, de plus en plus, à devenir un mythe, et qu’au lieu d’espérer de sortir de sa misère, le travailleur, si la société bourgeoise dure encore longtemps, doit s’attendre à s’y enfoncer davantage.