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POÈMES DRAMATIQUES

A jeté ce long cri : « Pan, le grand Pan est mort 1 »
Et soudain la clameur en écho triste et vague,
Comme un frisson du vent, glissa de vague en vague :
« Pan, le grand Pan est mort ! » Et le vaste Archipel
Répondit à son tour à ce funèbre appel :
« Pan, le grand Pan est mort ! » Et sur les mers tranquilles
Cette étrange rumeur passa d’Iles en îles.
Puis, aussitôt, partout, des bords, des monts, des flots.
On entendit en chœur s’élever des sanglots,
Des plaintes, des soupirs, comme si la nature
Pleurait une invisible et secrète blessure.

Voilà ce qui me peine et confond mes esprits ;
Je n’ose approfondir et crains d’avoir compris.
Toi donc, qui des devins fus toujours le plus sage,
Dis-moi ce que contient cet effrayant présage.
Je savais, et je vois ce qu’un dieu peut souffrir ;
Mais les dieux, les grands dieux peuvent-ils donc mourir ?

PROMÉTHÉE.

Répète encor ces mots qui m’enivrent de joie
Et troublent le vautour qui me ronge le foie !
O mes pressentiments, vous triomphez enfin !
C’est le commencement, le signe de la fin.
Ah ! combien ce moment rachète de souffrances !
Quelle ivresse de voir enfin ses espérances,
Comme un rêve animé qui survit au réveil.
Déployer devant tous leurs ailes au soleil !