Page:Grenier - La Mort du Juif-errant, 1857.djvu/100

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« Spectacle merveilleux ! grandiose épopée,
Où l’esprit taille en gros sa besogne à l’épée !
Mais un voile couvrait mon âme dans ces jours.
Je voyais le temps fuir sans comprendre son cours.
Il jetait sous mes pas ruine sur ruine,
Je n’y voyais qu’un jeu de la fureur divine.
Un immense dégoût m’inondait en entier.
Il fallait à tout prix me fuir et m’oublier.
Je n’avais plus au cœur qu’un sentiment : la haine
De Dieu, de moi, de tous, de chaque chose humaine.
Tout ce que je voyais était un aliment
Qui nourrissait le fiel de mon ressentiment.
Partout je rencontrais plein d’une horreur profonde
Le Crucifix ouvrant ses deux bras sur le monde,
Pour y semer l’espoir, le pardon et l’amour,
Et pour me condamner ainsi qu’au premier jour.