Page:Gresset - Ver-vert ou le voyage du perroquet de Nevers, 1735.djvu/20

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Dans le fracas, confus, embarrassé,
Ver-Vert gardoit un silence forcé ;
triste, timide, il n'osoit se produire,
et ne sçavoit que penser ni que dire.
Pendant la route, on voulut, par faveur,
faire causer le perroquet rêveur ;
frere Lubin, d'un ton peu monastique,
interrogeant le beau mélancolique,
l'oiseau benin prend son air de douceur ;
et, vous poussant un soupir méthodique,
d'un ton pedant, répond, ave, ma sœur .
à cet ave , jugez si l'on dut rire :
tous en chorus bernent le pauvre sire ;
ainsi berné, le novice interdit,
comprit en soi qu'il n'avoit pas bien dit,
et qu'il seroit mal mené des comeres,
s'il ne parloit la langue des confreres :
son cœur né fier, et qui, jusqu'à ce tems,
avoit été nourri d'un doux encens,
ne put garder sa modeste constance
dans cet assaut de mépris fletrissans :
à cet instant, en perdant patience,
Ver-Vert perdit sa premiere innocence :
dès lors, ingrat, en soi-même il maudit

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les cheres sœurs ses premieres maîtresses
qui n'avoient point sçû mettre en son esprit,
du beau françois les brillantes finesses,
les sons nerveux et les délicatesses.
à les apprendre il met donc tous ses soins,