Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/70

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jusqu’ici, comme des appels de trompette.

Le Naga, qui borde les avenues sur ces hauteurs désertiques, ne rampe-t-il pas, la nuit faite, encore agité du formidable va-et-vient du barattage ? Ne va-t-il pas venir dans ces galeries où veille ma faiblesse, se rendre compte de la lueur de ma lampe ?

Je suis, ici, moins lourd que la plus petite pierre de son temple, moins vivace que la plus infime de ces lianes qui ont en vain opposé leur gracile glissement à sa grande reptation. Voyageur isolé, je viens, parmi ces vieilles pierres grises et presque inviolées, chercher des secrets pour lesquels des civilisations ont donné leur sang et leur génie, Un homme en chasse un autre, s’il le surprend la nuit dans son jardin. Et ici, rien ne me repolisse. Le hasard ne fait pas tomber sur moi l’un des blocs de ces murailles qui s’écroulent pourtant chaque jour. La mort est là. Je n’entends que le bruit de pleur d’une eau suintant quelque part. Le Cambodge est effondré dans les ténèbres à mes pieds. Ma bougie est la parodie dérisoire du feu sacré. Veillant seul dans les hauteurs de la nuit, sur le pays et sur les hommes, dois-je sourire, — ou dois-je m’attrister ?


Prah Vihear. — Galerie enceinte du sanctuaire (largeur 1 m. 40, longueur Nord-Sud : 42 mètres)
Prah Vihear. — Galerie enceinte du sanctuaire (largeur 1 m. 40, longueur Nord-Sud : 42 mètres)


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