Aller au contenu

Page:Groulx - Louis Riel et les événements de la Rivière-Rouge en 1869-1870, 1944.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tario, les mêmes hommes se proposent de détruire ou d’éloigner « de leur terre natale les « serfs », les noirs protégés de l’évêque Taché, les pauvres canadiens-français du Nord-Ouest ». Propos qu’on pourrait imputer à quelque vivacité de l’évêque si, un an plus tard, un nul autre personnage que le lieutenant-gouverneur du Manitoba, A.-G. Archibald, ne les confirmait dans une lettre « personnelle et confidentielle » à Sir John A. MacDonald. Certains individus, écrit Archibald, « parlent réellement et agissent comme si les Métis français devaient être balayés de la face du monde ». Le malheur veut que ces sentiments aient cours jusque dans les plus hautes sphères du personnel politique. La nation métisse est faible, minuscule. Ses droits, ses revendications comptent peu en ces milieux où les petits ont toujours tort. Le premier ministre du Canada, Sir John-A. MacDonald, parle facilement de ces « misérables Métis ». « Ces Métis impulsifs », dira-t-il encore, et c’est en février 1870, « doivent être tenus par une poigne vigoureuse jusqu’à ce qu’ils soient submergés par l’afflux des colons ». Non, décidément, quelques actes de Riel n’ont pas, eux seuls, soulevé toutes les passions du temps. Et quand l’historien replace dans leur cadre les événements de la Rivière-Rouge et qu’il fait le compte de tout ce qui est venu les envenimer, malgré soi il se pose des questions comme celles-ci : l’exécution de Thomas Scott explique-t-elle, elle seule, l’orage qui balaya le Canada, d’une côte à l’autre ? Sans l’exécution de ce malheureux, n’y aurait-il pas eu et tout autant une Affaire Riel ?

— III —

Politiciens et adversaires du gouvernement provisoire vont faire de leur mieux pour accroître et prolonger l’agitation publique, faire du personnage Riel, une idole populaire. Les troubles de 1869 finis, une mesure d’élémentaire justice et d’élémentaire sagesse politique s’imposait : passer l’éponge sur les récents événements, amnistier tous les coupables et de quelque camp qu’ils fussent, si coupables il y avait. Le gouvernement canadien a-t-il oui ou non promis l’amnistie ? Question complexe et pénible. Il plairait tant voir les gouvernants, dans leurs relations avec le