Aller au contenu

Page:Groulx - Louis Riel et les événements de la Rivière-Rouge en 1869-1870, 1944.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à l’époque de la formation du gouvernement provisoire, de quel droit eut-il pu se constituer juge des actes de ce gouvernement ? D’autre part n’est-il pas tout aussi véritable que l’amnistie, laissée à la discrétion du souverain et du gouvernement impérial, serait accordée ou refusée, selon le désir ou la pression des autorités canadiennes ? Pour quel motif alors ces mêmes autorités n’ont-elles pas conseillé, voire exigé plus qu’elles ne l’ont fait, l’acte de clémence ? Pourquoi ne trouvons-nous dans les documents publics du temps que le mémorandum secret de Sir G.-É. Cartier à lord Lisgar, mémorandum qui, en dépit de quelques malheureuses admissions ou allégations, n’en recommande pas moins l’amnistie totale ? Quant à l’opportunité de l’amnistie, quelle mesure paraissait plus opportune que celle-là ? Même non promise, le gouvernement canadien se devait de l’accorder, ne fût-ce que pour racheter la parole de son ambassadeur, l’évêque Taché, appelé en hâte d’aussi loin que l’Europe. Question d’honneur et d’élémentaire gratitude. Les hommes d’Ottawa devaient savoir et savaient que, sans une promesse formelle d’amnistie et d’amnistie totale, personne n’aurait accepté de négocier avec le gouvernement provisoire ; encore moins aurait-on pu négocier avec succès. Les hommes d’Ottawa n’ignoraient pas davantage qu’un échec des négociations pouvait conduire à un conflit sanglant. Négociation, amnistie, deux termes qui s’appelaient l’un l’autre, par la plus impérieuse loyauté. Si d’ailleurs j’avais besoin d’une dernière preuve ou d’un dernier argument, en la matière, j’invoquerais la comédie des politiciens bleus et rouges, ou si vous voulez, l’unanimité de pensée successive dans les milieux politiques. Nul n’ignore que, sur cette question de l’amnistie, les bleus, une fois dans l’opposition, ont pensé exactement comme les rouges, oppositionnistes d’hier, et que nul, sur ce point toujours, n’a plus vigoureusement dénoncé la lâcheté des conservateurs que les libéraux dans l’opposition et que, d’autre part, personne n’a stigmatisé, avec plus de véhémence, la lâcheté libérale que les conservateurs devenus oppositionnistes à leur tour.