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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/109

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premier volume 1878-1915

reprise, de reconstruction qu’elle entend se donner. De cette reconstruction, elle croit même tenir les lignes maîtresses, lignes d’une solide et impeccable architecture. Ces jeunes veulent un pays qui soit à eux, et non pas à l’étranger ; dans ce pays, ils ont résolu de jouir de droits égaux, d’en finir avec l’humiliation du citoyen de seconde zone. Ils veulent aussi une province qui soit leur et non pas le butin à bon marché des magnats de la finance américaine. Cette province, leur État français, pays de leurs pères, ils ambitionnent de le bâtir chrétien, avec une charpente et des muscles d’acier, dans une économie saine, dans une synthèse de forces. C’est qu’ils ont foi en leur catholicisme, en la philosophie chrétienne, en la sociologie chrétienne. Ils croient qu’ils peuvent trouver là tout l’esprit, tous les éléments des structures nouvelles. Ces jeunes, ajouterai-je encore, sont intégralement dépouillés de ce complexe d’infériorité qui incline leurs compatriotes à toujours s’inspirer de l’étranger, à se mettre perpétuellement à la remorque de doctrines d’occasion. Et leur foi en l’avenir s’appuie précisément sur les formes d’action nouvelle qui s’offrent à eux. Jusque-là, le jeune homme de quelque noblesse d’âme qui rêvait de servir utilement son pays ne voyait s’ouvrir devant lui que l’arène politique. Désormais, et c’est bien là le programme de l’Association catholique de la Jeunesse, on pourra s’adonner à l’action politique, mais aussi et davantage à l’action économique, à l’action intellectuelle, à l’action sociale, à l’action morale et religieuse. Enfin pense cette jeunesse, la vie pourra être vécue pleine et féconde.

C’est en 1905, ai-je rappelé plus haut, que j’écris, dans la Revue ecclésiastique de Valleyfield, deux articles sur la « Préparation [de la jeunesse] au rôle social ». Je commentais un article d’une revue de France. Et je n’étais pas trop sûr de mon sujet. Le Semeur, organe de l’ACJC[NdÉ 1], reproduit mon étude en ses livraisons de juin et septembre-octobre 1905. Ainsi le « social » prenait l’affiche dans les milieux de jeunes. On pourra voir aussi, dans les Annuaires du Collège de Valleyfield, la part faite au social dans les travaux de l’Académie Émard. C’est dans la même veine, et animé des mêmes soucis, que je prononce au Collège de

  1. ACJC : Association catholique de la Jeunesse canadienne-française.