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premier volume 1878-1915

commande avec instance l’ACJC naissante ; il m’invite à prier pour la rédaction des constitutions de l’œuvre nouvelle, en particulier pour la partie sociale du programme — hélas, de revendication pourtant fort modeste, mais — qu’on a beaucoup de peine à faire approuver en hauts lieux. Et je n’ai pas oublié, au Congrès de 1904, après la lecture d’un travail d’Arthur Saint-Pierre, encore tout jeune et rapporteur sur l’urgence de l’action sociale, l’intervention de Mgr Bruchési. Coupant court aux applaudissements des jeunes congressistes, l’archevêque leur jette cet avertissement glacial : « N’oubliez pas, mes jeunes amis, que la question sociale ne se pose pas au Canada. » J’ai encore, dans les oreilles, le son de ces paroles qui devaient nous coûter si cher. Mais, à la vérité, faut-il se montrer si sévère ? Il n’y avait pas vingt-cinq ans qu’en France, Gambetta s’était écrié : « Il n’y a pas de question sociale, il n’y a que des questions sociales. » En France toujours, les socialistes les plus avancés vers 1880 et après, — y compris Clemenceau — s’occupent plus d’anticléricalisme que de socialisme. Il faut passer à l’extrême droite pour rencontrer là de véritables apôtres sociaux tels que La Tour du Pin et le comte Albert de Mun. Si l’on tient compte qu’au Canada français, l’on est toujours en retard d’une génération sur le mouvement des idées en Europe, peut-être la parole de l’archevêque de Montréal, prononcée en 1904, paraîtra-t-elle moins répréhensible. Trois de mes jeunes gens : Émile Léger, Louis Gosselin, Erle G. Bartlett, ont lu des rapports au premier Congrès de l’ACJC ; quelques autres y ont assisté. Certes, de