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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/158

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mes mémoires

sant le rôle de professeurs, auront été pour nous de véritables maîtres d’esprit. J’ai pu l’aborder d’assez près. Je m’étais inscrit, cela va de soi, à son séminaire, école de travail pratiquée, à l’Université fribourgeoise, par tous les principaux professeurs. Il me confia un travail plutôt vaste et rude : repêcher à travers les Recueillements poétiques, le Jocelyn et La chute d’un ange de Lamartine, l’influence de la philosophie mennaisienne. Je lui remis également, en forme de devoir hebdomadaire, une dissertation sur les « Théories de la Pléiade », dissertation dont je garde la copie corrigée par lui.

Ajouterai-je, en conclusion, que si l’on tient à le savoir, ce sont là les seuls maîtres à Fribourg qui ont pu m’influencer. J’y reviens, parce que plus tard, de retour au Canada, je ne lirai pas sans un sourire plus qu’amusé, le conte funambulesque d’un revuiste anglo-canadien de renom, Blair Fraser, conte repris par Mason Wade dans son French Canadians et qui, — surtout Fraser — pour expliquer ce que l’on appelle mon nationalisme, en font remonter les sources à Fribourg. C’est là que j’aurais subi l’influence du théoricien du racisme, Gobineau, ou du moins, de ses disciples. Et, parmi ces derniers, le revuiste anglo-canadien a rangé Gonzague de Reynold : ce qui n’est pas amoindrir la fantaisie. Malheureusement, je dois l’avouer, sous peine de passer pour un pauvre esprit, je n’ai jamais rien lu du Comte de Gobineau. J’ai beaucoup lu Reynold, mais pas à cette époque-là de ma vie. D’ailleurs, lors de mon passage à Fribourg, Reynold, encore jeune, avait peu produit. Et il faut, au surplus, encore plus d’ignorance que d’aplomb pour faire du grand esprit et du ferme catholique qu’est Gonzague de Reynold, un philosophe ou un prophète du racisme. Le revuiste anglo-canadien Fraser aussi bien que Mason Wade auraient pu, d’ailleurs, s’aviser qu’à mon départ pour l’Europe, en 1906, mon système d’idées, si jamais je me suis fabriqué quelque chose de cette sorte, était passablement arrêté et qu’il n’était nullement nécessaire de s’esquinter l’imagination pour en retracer l’origine.

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Les jours coulaient non sans charme. Nous étions trois Canadiens, ai-je dit : les abbés Wilfrid Lebon et Eugène Warren (celui-ci