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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/198

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mes mémoires

Camille Roy veut bien écrire, dans La Nouvelle-France : « Je ne sais pas de livre plus sain, plus suggestif, plus réconfortant, qui ait été écrit chez nous sur l’éducation des jeunes gens. » Et il y aura mieux que le succès de librairie, mieux que l’accueil de la critique. Ce sera l’émotion, dans les milieux de jeunesse et voire parmi les maîtres de cette jeunesse et hors de ceux-là. On crut découvrir une génération, et quelle génération, qui avait presque tout le charme, on l’a dit, des « enfances chevaleresques ». Quelques esprits scrupuleux et attardés s’effaroucheront bien un peu de cette forme d’apostolat laïque, apostolat exercé par de tout jeunes collégiens, et cela vers 1900, alors qu’on tenait pour suspecte toute intervention du laïcat dans la vie de l’Église. Mais le grand nombre ne se cachèrent point d’admirer jusqu’où peut s’élever une jeunesse qui vit sa foi. De tous les compliments, nul ne me sera plus cher, toutefois, au cours de ma vie, que celui d’hommes d’âge mûr qui, pour m’expliquer certaines de leurs fidélités, me glisseront à l’oreille : « Vous savez, quand j’étais jeune, j’ai lu Une Croisade d’adolescents. » Pareille émotion serait-elle encore possible dans la jeune génération d’aujourd’hui ? J’en doute. Elle est d’esprit américain, matter of fact. Sport, argent, confort, sexualité précoce, liaisons féminines hâtives, amusements faciles, voyages composent sa philosophie de la vie. Elle ne connaît plus même la passion politique ; le mythe des chefs est mort. Ou elle ne s’y adonne que pour des ambitions sordides : soif d’arrivisme, d’avancement, de se faire pousser dans la vie, de mettre tôt la main sur quelque emploi, quelque job lucrative. La jeunesse des environs de 1900 ne se tient pas pour satisfaite de ces « nourritures terrestres ». Elle porte en l’âme un autre idéalisme. Elle est en réaction décisive contre ses aînés. À notre entrée dans la vie, je ne me le rappelle que trop, l’atmosphère nous a paru asphyxiante. Le jeune homme qui, alors, veut faire quelque noble emploi de son existence d’homme, je crois l’avoir écrit plus haut, ne peut songer ni à l’action économique, ni à l’action sociale, très peu à l’action intellec-