Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
224
mes mémoires

Entrevue avec Mgr Émard

Je n’ai plus qu’à voir Mgr Émard. Quelques jours à peine plus tard — au début de mai autant que je me souviens — je sollicite une entrevue. Quelle figure me fera mon évêque ? Depuis l’incident du procès canonique, à peine daigne-t-il me saluer lorsqu’il nous arrive de nous croiser dans la rue ou à la sacristie de la cathédrale. Contrairement à mon appréhension, il fait, pour m’accueillir ce jour-là, un grand effort de cordialité. J’aborde tout de suite la question :

— Monseigneur, je viens vous demander une faveur : celle de quitter le Collège. Je me permets de vous rappeler ce que je vous disais, il y a deux ans, à la fin de l’un de nos entretiens : « Si la situation ne change pas, dans un an, je reviendrai vous demander la permission de partir. » J’ai attendu plus d’un an.

— En effet, me répond-il fort aimablement. Je vous rends le témoignage que, depuis ce temps, vous avez fait un louable effort de générosité… Mais alors, c’est très bien, mon enfant, je vous amènerai ici à l’évêché.

J’esquisse malgré moi une légère moue ; il reprend :

— Mais oui, vous avez déjà passé quelques mois ici, jeune séminariste. Nous nous sommes entendus. Vous aimez travailler. Vous savez que j’aime moi-même travailler. Vous m’aiderez dans mes travaux.

— En ce cas-là, Monseigneur, repris-je, j’ai peut-être une plus grande faveur à vous demander.

— Laquelle ?

— Celle de quitter le diocèse.

— Pour aller enseigner ailleurs, en quelque autre collège ?

— Non, Monseigneur. L’expérience que je viens de faire me suffit. Mais voici qu’à Montréal l’on me fait des ouvertures du côté de l’Université. Des ouvertures ni officielles, ni officieuses, mais enfin…