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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/315

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VI

NOUVELLE EXTÉRIORISATION

On aura beau dire, l’historien devrait rester un historien. Je veux dire : n’être qu’historien et pas autre chose. Tout au plus se devrait-il permettre la sobre fréquentation des hommes qui apprend à connaître l’homme, science indispensable à qui prétend saisir, en son activité, l’essentiel facteur de l’histoire. Le métier d’historien est si accaparant, si débordant ; il exige de si vastes investigations, tient si bien à la gorge sa victime qu’elle ne saurait se donner à d’autre maître que lui. Où, en effet, prendre le temps de se donner à d’autres œuvres, quand l’on sait qu’après toute une vie d’intense labeur, on ne laissera jamais qu’une œuvre inachevée ? La tentation à l’action extérieure, c’est-à-dire à l’éparpillement, me va pourtant assaillir tout comme avant 1915. Plus exactement, devrais-je écrire, que je n’aurai nul besoin de courir au-devant de la tentation. Mes premiers cours d’histoire m’ont valu une notoriété bien au-dessus de la valeur de mes petites conférences sur Nos luttes constitutionnelles. Grâce à la propagande du Devoir, les brochurettes contenant les cours de 1915-1916 se sont vendues dans toutes les maisons d’enseignement. Ce réveil des études historiques, pour modeste qu’il soit, répond à un vif besoin du moment. Bousculé, piétiné pendant la crise de la guerre, un petit peuple a senti le besoin de retrouver son âme, de se replier sur elle pour affronter l’orage et le surmonter. Un simple coup d’œil en ma correspondance de l’époque — lettres bien oubliées — me laisse un peu étonné de l’accueil que l’on fit à cette première année d’enseignement. De son cabinet de ministre à Ottawa, M. Tom-Chase Casgrain, l’homme de la lettre au vice-recteur Dauth, m’écrit à moi-même, le 15 avril 1916 :