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Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/49

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premier volume 1878-1915

sous de la Bibliothèque Populaire de France. Il nous en revenait un choix d’œuvres assez mêlé. Je me souviens, par exemple, d’une traduction de poètes bretons que je m’entêtai à lire. Il nous venait aussi des œuvres classiques. En Syntaxe latine, je me risque dans Corneille. Celui qui fut, en son temps, le poète de la jeunesse, dut me séduire. Le supérieur, M. Nantel, de passage dans la salle de récréation, vient m’enlever mon livre « Que lisez-vous ? — Hum ! Du Corneille ! — La récréation, mon jeune ami, c’est d’abord pour jouer. » Pour faire obstacle à ma fringale de liseur, on m’impose des travaux supplémentaires : traductions de textes grecs et latins. Je traduis du Thucydide et surtout du Virgile. Le Supérieur s’en mêle, me distribue ces travaux, les surveille et les revise. En Méthode, ces sortes de corvées me valent, de la part de M. Nantel, à la fin de l’année, Le Siècle de Louis XIV de l’historien Gabourd. J’y gagnerai ma première initiation au grand siècle : initiation assez médiocre, mais enfin…

En Versification seulement, mon professeur de cette année-là, l’abbé Delphis Nepveu — plus tard je devais le retrouver à Valleyfield — entreprend de diriger mes lectures. Pour m’initier à Veuillot, il me fait lire les Lettres à sa sœur. Je suis charmé, conquis. J’abandonne les romans d’aventures, et pour jusqu’à la fin de mon cours, la littérature romanesque. J’ignore, du reste, les romans de ce temps-là. Dans les années qui vont suivre, tout Veuillot y passera : Corbin et d’Aubecourt, Rome et Lorette, les Pèlerinages de Suisse, Çà et là, Le Parfum de Rome, Les Odeurs de Paris, Les Libres Penseurs, volumes qui, pour la plupart, me seront donnés en prix. Aujourd’hui qu’il est de mode, mode de snobs ou d’esprits libéraux et pédantesques, de mépriser profondément Veuillot, je le confesse sans honte, Louis Veuillot fut longtemps mon auteur de chevet. Sans doute, mes vieux maîtres ont-ils abusé. Il ne faut pas lire que Veuillot. Mais je crois, avec le fin critique que fut Jules Lemaître, qu’il y a charme et profit à lire cet écrivain de race. Veuillot savait sa langue ; artiste aux dons divers, il pouvait assouplir le talent. Et m’est avis également que beaucoup de jeunes esprits encore à la période de for-