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Notre Maître, Le Passé

les 65,000 Français de 1760, en dépit d’une concentration excessive dans les villes et malgré une mortalité infantile absolument inexcusable, sont devenus en moins de deux siècles, un peuple de près de quatre millions.

Il serait trop long de rapporter ici tous les témoignages qui ont célébré la fécondité canadienne. Ne retenons que les plus mémorables.

« Les familles de nos sauvages », écrit Mgr de Laval, « ne sont pas peuplées de beaucoup d’enfants comme celles de nos Français, où dans la plupart en ce Pais, ils se trouvent jusqu’à 8, 10, 12 et quelquefois jusqu’à 15 et 16 enfants ». De la Galissonnière est pris d’enthousiasme devant cette incomparable production d’hommes qu’il jette, comme une riposte, aux détracteurs de la Nouvelle-France : « Richesse, dit-il, bien plus estimable pour un grand roi que le sucre ou l’indigo, ou, si l’on veut, tout l’or des Indes. » Et l’on sait par le journal de Montcalm l’émerveillement du général qui rencontre aux Éboulements, un vétéran de Carignan entouré de 220 de ses descendants peuplant à eux seuls quatre paroisses.

Ces statistiques n’auraient pas toutefois leur pleine valeur, si l’on négligeait certaines circonstances. La fécondité n’a pas eu chez nous, dans le passé, ses hausses et ses baisses. Ni la dure pauvreté ni le malheur des temps ne dispensent nos aïeux de leurs devoirs. Le jour n’est pas encore levé où les revenus et l’aisance de la vie régleront dans la famille le nombre des naissances. Qui ne sait, par exemple, que les 9/10 des premiers colons qui ont vécu l’époque d’effroyable misère de 1608 à 1648, possèdent encore de nos jours des milliers de descendants ? Voici d’ailleurs pour la fécondité de cette époque, ce qu’en