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Notre Maître, Le Passé

aux champs, herser, fauciller, rentrer du grain comme les hommes ; le soir elle répare le linge, elle coud, elle tricote ; l’hiver elle file, elle tisse, car c’est le beau temps de la petite industrie domestique. Pour le vêtir, la règle et la coutume sont que tout se fasse à la maison, si bien que les vieux inventaires nous ont révélé jusque-là l’existence du « moule à boutons ». Donc l’on ne sera pas surpris que les enfants apprennent le plus tôt possible ces métiers qui sont multiples et qui sont pourtant une condition de vie, pour une famille où chacun ne peut avoir son vêtement et son morceau de pain que par le travail de tous.

Que devient en tout cela, me demanderez-vous, l’éducation intellectuelle ? Si, elle souffre quelque peu de ce régime, elle se ressent principalement de conditions historiques que je n’ai pas à exposer ici. Mais peut-être aussi nos aïeux qui avaient l’esprit si droit et si juste, le bon sens si ferme, avaient-ils cette inconsciente conviction que « les sentiments et les connaissances qui forment le principal trésor d’une nation, ont leur source dans la pratique de la vie plus que dans l’enseignement littéraire et scientifique offert par les maîtres à l’enfance et à la jeunesse. »[1] Et pour parler en termes plus brefs et dans le langage de Le Play, peut-être se disaient-ils, pour se consoler, que « l’instruction générale d’une race d’hommes provient de l’éducation plus que de l’école ».[2]

Pour nos pères, l’éducation c’est avant tout l’éducation morale. Aussi voulaient-ils que la religion s’emparât de l’enfant dès son apparition dans le monde. L’Église était là d’ailleurs pour leur inculquer les sages coutumes. Dans les pre-

  1. Le Play, La Constitution de l’Angleterre, t. I. p. 2.
  2. Le Play, La Constitution de l’Angleterre, t. I. p. 5.