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L’Histoire acadienne[1]



Mesdames, Messieurs,

L’histoire acadienne est le chef-d’œuvre de la survivance française. Nul groupe français au Canada n’a été plus brutalement assailli ; aucun n’eût été plus excusable d’oublier ou de renier ses origines ; aucun cependant n’a montré plus de constance héroïque dans la volonté de survivre.

Ses antécédents historiques l’avaient prédestiné à cette fidélité. Cette histoire commence tout de bon en 1610 avec le retour de Poutrincourt à Port-Royal. Ce Poutrincourt, un vrai fondateur de race, commence par donner de la terre à ses colons et l’on sème sans retard le premier blé. « Et veux, dès aujourd’hui, disait-il, vous marquer les terres que vous tiendrez à cens et à rentes, afin que vous puissiez, entre temps, préparer déjà la demeure et le foyer de vos ménages, travaillant ainsi pour vous-mêmes et vos enfants ». Parmi ces premiers défricheurs, il y a Marc Lescarbot et Louis Hébert. L’occupation française et la tradition agricole sont maintenant établies ; elles se maintiendront sans interruption.

Cependant un coup de foudre s’abat sur la colonie naissante. En 1618, Samuel Argall vient ravager Port-Royal. L’Acadie à peine née passe pratiquement à la puissance anglaise jusqu’au trai-

  1. Le 30 mai 1917 avait lieu au Monument national de Montréal, la « Soirée de Grand Prée » organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste. Cette « Soirée » devait être au profit de l’église-souvenir de la Grand Prée qu’un groupe d’Acadiens se préparait alors à construire. L’abbé Groulx y fit la conférence que l’on va lire.