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Notre Maître, Le Passé

un programme d’organisation et de défense française. À tout le moins fallait-il s’appuyer plus que jamais sur les énergies de ce passé que l’on prétendait continuer. Hélas ! il se trouve que nous cessons d’avoir un programme de vie nationale, tout juste à partir de 1867. Quelques années plus tard un livre de graves avertissements comme celui d’Edmond de Nevers, « l’Avenir du peuple canadien-français », passe presque inaperçu, tellement les esprits se désintéressent des plus impérieuses réalités.

Surtout nous avons continué d’ignorer l’histoire. Après le superbe effort de 1850, disparaît la génération des grands historiens. Nos travailleurs s’enferment, ou peu s’en faut, dans l’érudition et la monographie, tendance progressiste qui se change en recul, parce que c’est aussi le temps où la grande histoire cesse de descendre vers le peuple. Désormais on ne saura plus que la réduire en de petits manuels étriqués, chefs-d’œuvre de mnémotechnie, dont se contente l’enseignement secondaire, cependant qu’à l’Université Laval la chaire de l’abbé Ferland demeure muette.

Le temps est-il venu de rendre raison d’un tel désistement, d’une si complète abdication de notre ancienne vigilance ? Voyons-y, à notre humble avis, le résultat de causes multiples et complexes dont quelques-unes ne font que commencer de nous apparaître.

Jusqu’à l’évolution politique de 1867 — et même sous le régime de l’Union, régime fédératif de fait, — notre province était restée un petit État distinct dans l’agglomération des colonies britanniques. Entre les frontières du Bas-Canada, notre entité nationale et notre entité politique ne faisaient qu’une et l’idée lumineuse d’une seule pa-