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Notre Maître, Le Passé

daire des tribus abénaquises. Tout cela sans doute se chante quelquefois dans les foyers neufs avec l’accompagnement de la mer et le murmure des pins moussus.

Déjà les Acadiens ont pu se donner un embryon d’organisation civile et politique. Ces fils de coureurs de bois et de mers ont la passion de la liberté. M. de Brouillan, l’un des derniers gouverneurs français, les appelle des « demi-républicains ». Ils n’en forment pas moins une petite société féodale bien hiérarchisée avec leurs seigneurs terriens, gentilshommes rustiques qui ne sont que les premiers de leurs censitaires, avec en plus leurs prêtres et leurs notables, tous hommes de grand sens et de forte tête, si j’en juge par les requêtes et les mémoires qu’ils adressent au conquérant. Les Acadiens ont leur assemblée à eux pour décider de l’intérêt public. Et les vastes travaux d’endiguement entrepris et menés à bonne fin par ces modestes municipes attestent un grand esprit d’harmonie et de solidarité.

La foi catholique, l’autorité souveraine des missionnaires ont développé ces vertus sociales. Car la foi est une autre de leurs forces ; dans l’isolement elle a été leur seul appui ; l’église leur a procuré leurs seules fêtes. Ces âmes simples s’y tiennent attachées d’un amour vivant qui produit la noblesse des mœurs et la fraternité sociale.

Ajouterai-je qu’ils peuvent s’appuyer sur la force d’un autre sentiment et qu’ils sont déjà de leur pays ? Tous ou presque sont des terriens enracinés au sol. Sur ce point, leur isolement, l’abandon presque continuel de la France leur a été bienfaisant. L’Acadie est leur seule patrie, ils ne s’en connaissent point d’autre.

Oui, Mesdames, Messieurs, c’est là que, pour