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Les Idées Religieuses De Cartier

gers et il en comportera toujours. Mais la consécration de l’iniquité, le déni de justice n’en comportent-ils aucun, et même n’ont-ils pas fini par en comporter de plus grands ? Ce jour-là, sir Georges, vous avez inauguré, et ce n’est pas à votre honneur, la politique à courte vue qui, bien des fois depuis lors, a cru sauver la paix du pays par le sacrifice du droit, comme si la paix ne se fondait tout d’abord sur le maintien du droit. Vous avez refusé d’entendre le premier appel d’une minorité, parce qu’elle ne pouvait invoquer en sa faveur, disiez-vous, l’article 93 de la constitution. Vous était-il impossible de vous souvenir, M. le ministre, que le droit de désaveu du gouvernement fédéral existe contre toute loi qui compromet l’intérêt général du pays ? Était-ce bien votre rôle de fondateur d’État de convaincre les minorités, dès 1872, qu’on venait de les pousser dans un traquenard et qu’il n’y aurait désormais de protection au Canada que pour les forts qui se feraient persécuteurs ?

Quels puissants motifs auraient donc entraîné sir Georges-Étienne Cartier à soutenir une opinion si opposée à ses principes très connus, si contraire à la fierté impérieuse de son caractère ? Il se peut que l’âge ou la maladie aient entamé, dès lors, sa vigueur combative. En toute justice il faut aussi reconnaître à son attitude beaucoup de bonne foi. Mais peut-être aussi eut-il peur de donner un démenti à la grande œuvre de sa vie, d’en faire apercevoir si tôt l’extrême fragilité. Lui, l’homme de 87 et l’homme de l’Union, il avait cru naïvement que la moindre violation du droit d’une minorité soulèverait contre les violateurs toute l’opinion canadienne. Cinq ans à peine après la promulgation de l’« Acte de l’Amérique britannique