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Ce Cinquantenaire

théorique décrété par la charte fédérative. Sur aucune des effigies qui proclament devant le monde la nationalité d’un État, ni sur les timbres, ni sur la monnaie, ils n’avaient su faire reconnaître les droits de leur langue. C’était trop peu que le texte de la charte eût fait une situation de privilège à nos associés anglo-saxons. Cette situation, il a fallu permettre aux héritiers politiques des Pères de la fortifier. Aujourd’hui, par la faute de ces imprévoyances et de ces concessions, il reste peut-être dans nos mœurs publiques que nous sommes encore un pays bilingue, mais anglais d’abord, français ensuite et par tolérance.


Mais nous, du Canada français, nous, les fils de la race méprisée et spoliée, pouvons-nous nous absoudre de toute responsabilité dans l’avortement de l’œuvre politique, de 1867 ? Si le respect du droit est mort en notre pays, pouvons-nous nous en laver les mains dans une eau qui reste propre ? Nous avons scrupuleusement respecté le droit des autres. Avons-nous déployé assez d’énergie à défendre le nôtre ? Le politique très avisé qui, dans la chronique du « Correspondant », signe Intérim, rappelait à ses compatriotes, l’autre jour, comme avec l’Anglais il importe de « jouer jeu serré. » Ce n’est pas pour rien qu’il a inventé le « bluff, » disait le chroniqueur. « Bien mieux, si vous ne vous défendez pas vaillamment, courageusement, au besoin rageusement, il vous méprisera tout net et sans appel, comme un boxeur qui trouve son adversaire vraiment trop inférieur. Et le mépris de l’Anglais est insondable ; on s’y noie sans recours. »[1] Nos dirigeants ont-ils jamais

  1. Le Correspondant, 10 mars 1917, p. 954.