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Notre Maître, Le Passé

là comment nos aïeux et nos aïeules qui avaient à bâtir un pays de leur indigence, contemplaient ce miracle permanent d’une œuvre sans ressources qui grandissait sous le souffle d’en haut.

Voulez-vous savoir maintenant à quelle doctrine, à quelle philosophie spirituelle, les maîtresses d’école alimentaient l’intrépide flamme de leur zèle ? Marguerite va nous le dire, dans une formule touchante qui a jailli de sa foi. Quand elle envoie ses filles aux missions de la campagne, elle leur donne cette feuille de route où elle a ramassé la mystique de la congrégation : « Pensez, mes chères Sœurs, pensez que dans votre mission, vous allez ramasser les gouttes du sang de Jésus-Christ qui se perdent ». Ainsi se trouvait transfigurée, dans la lumière divine, la vocation d’institutrice. « On nous demande, » écrivait encore Marguerite, « pourquoi nous faisons des missions qui nous mettent en hasard de beaucoup souffrir, et même d’être prises, tuées, brûlées par les sauvages ». Elle-même fait cette réponse d’allure évangélique : « Nous répondons que les apôtres sont allés dans tous les quartiers du monde, pour prêcher Jésus-Christ, et, qu’à leur exemple, nous sommes pressées d’aller le faire connaître dans tous les lieux de ce pays où nous serons envoyées. »

Souvenons-nous : en cet esprit et par ces femmes furent élevées les premières générations de la Nouvelle-France. Cette doctrine et cette charité étaient sorties du cœur et de la tête de la jeune fille champenoise venue ici en 1653. Quand elle eut peiné dans ce pays, un long demi-siècle, que parvenue à ses quatre-vingts ans, elle eut rédigé pour ses filles son testament spirituel, et eut fait à Dieu cette prière ultime : « Je demande que toutes soient au nombre des élus », Marguerite s’arrê-