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Un Concours D’histoire

maison à cause des sauvages qui pourraient l’emporter. Un jour François Hertel désobéit… »

Paul fait cette admission, un peu gêné, mais repart avec toute sa contenance :

« Il allait, je suppose, chercher les vaches, ou aux framboises, aux mûres… »

— « Ou bien, interjette Thérèse, il désertait pour fumer !… »

Paul méprise l’allusion.

« Toujours est-il que le pauvre petit François fut pris. Un de ces grands diables d’Iroquois lui mit la main sur la bouche et l’emporta comme un oiseau dans le creux de sa main, en riant d’une façon méchante. Puis ils mirent, au fond d’un canot, le petit Hertel qui pleurait bien fort, et, en avant les avirons ! Marche, marche, marche… Vous pensez qu’il était joliment triste pendant ce temps-là, le pauvre François, seul avec ces sauvages, si loin de sa maman. Le soir on tirait les canots sur la grève, au bord d’un bois, on dansait autour de grands feux, on brûlait des blancs attachés à des poteaux et le lendemain encore en canot, marche, marche, marche… On passa des rivières, des lacs grands comme la mer, si loin qu’enfin on arriva au village des Iroquois. »

— « Comment s’appelait ce village ? » risque Thérèse, très curieuse.

— « Est-ce que je sais, mademoiselle ? » riposte l’historien d’assez méchante humeur.

« Toujours est-il qu’un soir ce fut le tour de François Hertel de se faire brûler. Un grand chef iroquois aurait voulu l’adopter pour en faire un païen. Et vous savez qu’il n’avait que quatorze ans, le pauvre petit », appuie Paul.

— « Comme Madeleine de Verchères », complète Thérèse, décidément très à l’affût.