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Une grande date



(LE 14 JUIN 1671)

Il y aura deux cent cinquante ans, le 14 juin prochain, ce fut un grand jour dans la vie de la Nouvelle-France. Cette année-là la colonie de Colbert atteignait aux proportions d’un empire. Maîtresse de tout le continent oriental depuis l’Acadie, sa domination réelle ne dépassait guère à l’ouest, l’établissement de Montréal. Dans la région des lacs, « quatre ou cinq postes de moindre importance, une douzaine de missionnaires et quelques centaines de coureurs de bois, dit un historien, rappelaient seuls au voyageur qu’il foulait une terre française. »[1] Mais Talon a jeté son regard d’aigle vers la profondeur des terres. Il est du siècle où l’on fait naturellement les grandes choses. Pour contenir en deçà des Apalaches, les rivaux de la puissance française, Jean Talon rêve, depuis son arrivée, d’une grande France qui irait, du Saint-Laurent, « jusqu’à la Floride, la Nouvelle-Suède, Hollande et Angleterre, et par delà la première de ces contrées… jusqu’au Mexic ».

Donc, à l’automne de 1670, l’intendant crut le moment arrivé de faire un bond gigantesque en avant. Il retint les services de Simon-François Daumont, sieur de Saint-Lusson ; il lui adjoignit un coureur de bois, un de ces admirables manieurs d’hommes qui, au milieu des nations indigènes, exerçaient une véritable royauté : Nicolas Perrot.

  1. R. R. Tailhan, s. j. Préface des Mémoires de Perrot.