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Notre Maître, Le Passé

avait achevé de l’épuiser. Maintenant le vent l’empêche d’aller plus loin et l’agonie approche. Il a demandé qu’on lui tienne élevé devant les yeux, son crucifix de missionnaire. À cette heure suprême l’illustre moribond ne regrette rien ; il ne demande pas au monde de se souvenir de sa gloire. Sa dernière parole est pour recommander son âme à la Vierge : « Mater Dei, memento mei ». Quelques heures plus tard ses deux compagnons, deux autres des sept découvreurs du Mississipi, le portaient dévotement en terre en « sonnant la clochette », comme il le leur avait demandé, et, sur son tombeau, « pour servir de marque aux passants », dressaient une grande croix. Ainsi mourait, dans une solitude aussi grande que sa pauvreté, le compagnon immortel de Jolliet. Il mourait, comme il l’avait toujours demandé à Dieu, « dans une chétive cabane, au milieu des forêts et dans l’abandon de tout secours humain ». Sa tombe n’aurait pour tout ornement qu’une grossière croix de bois et la solennité du grand lac étendu à ses pieds. Spectacle simple et poignant dont n’approche point la grandeur antique, qui ne fait que résumer pourtant, dans l’une de ses pages émouvantes, l’histoire des explorations françaises.


Puissent ces nobles souvenirs s’arrêter quelque temps dans nos mémoires le 14 juin prochain. Puissent également la vision de ces terres immenses autrefois françaises, et, sur ces terres, la silhouette du héros « en manteau écarlate à bordure d’or », « tel un imperator », affirmant le règne de sa race, puissent ces grandes images redonner de l’ampleur à nos perspectives, refaire nos âmes en hauteur ! Dans notre histoire si courte, il y eut un siècle pourtant où nos ancêtres