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PASSAGE DE L’HOMME

bien besoin d’être nourris ! » Qui pouvait dire une chose là-contre ? Et Monsieur le Curé ne parlait pas seulement pour nous, mais pour lui aussi, se faisant tout petit, comme nous autres, dans nos péchés et dans nos manques, devant le Bon Dieu. Le Père le comprit bien aussi, car il redit : « Oui, nous avons bien besoin de nourriture. »

Je crus alors que l’Homme était vaincu, qu’il allait dire : « Vous avez raison. Je ne suis qu’un pauvre pécheur. » — Ou ne rien dire, rester comme en prière, et communier le dimanche d’après. Mais il sourit encore une fois, comme bien à l’aise, de l’air de quelqu’un qui a bien compris ce qu’on vient de lui dire, mais qui comprend encore autre chose par-dessus. Et il dit, regardant tour à tour le Père et Monsieur le Curé :

« Oui, nous avons bien besoin de nourriture. Moi tout le premier. Et c’est pourquoi je communie souvent. Et je voudrais communier toujours. Le Paradis, Monsieur le Curé, c’est la communion éternelle. Et dans les Iles déjà, sûrement, on est nourri d’une autre nourriture, d’une nourriture meilleure qu’ici, plus fine encore et savoureuse. »

Il ne dit rien de plus sur les Iles et ne jugea point nécessaire de dire rien de plus : à l’écouter on avait l’impression d’être ignorant.