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PASSAGE DE L’HOMME

là les mots, à présent, avec lesquels on lui parlait. « Je ne suis qu’un homme comme un autre ! — Alors, disaient-ils naïvement, alors pourquoi qu’on vous a appelé l’Homme ? et pourquoi parlez-vous des Iles ? »

C’est à ce moment que, le sentant désemparé, la Mère lui demanda de rester chez nous : le Père se faisait vieux, et parfois il ne savait plus trop bien ce qu’il disait. L’Homme était devenu le chef de la maison.

« Mariez-vous à l’automne prochain, disait la Mère, et nous irons, le Père et moi, nous reposer dans le village, et la Jeune viendra avec nous, ou elle restera avec vous, comme elle voudra, en attendant qu’elle se marie. Les Iles, c’est loin, la terre ici est bonne !… »

Je revois l’Homme accoudé à la table. C’était le soir. Le Père sommeillait dans son fauteuil. L’Homme ne répondit pas tout de suite. Claire le regardait : jamais le bonheur n’avait été si proche, un bonheur tout simple et tout clair, sans aventure. Il suffisait que l’Homme dît oui. Mais l’homme ne pouvait pas dire oui comme ça. Il se tourna vers Claire : « Et toi ? qu’est ce que tu penses de tout cela ? » Elle répondit, bien sérieuse et bien calme : « Je ne pense rien. Il faut que tu fasses ce que tu as à faire. Que tu décides de t’en aller sur la grand’route ou bien de