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LE SURVENANT

chose qu’un chacun fasse un écart icitte et là : ça lui montre qu’il est pas l’homme fort qu’il se pensait.

Alphonsine et Amable échangèrent un regard d’étonnement. Celui-ci dit à son père :

— Ouais, il a dû vous conter encore quelque chimère, pour vous gagner à lui. On l’a assez engraissé comme il est là. À votre âge vous devriez savoir que si on veut se faire maganner, c’est toujours par le cochon qui est gras. En tout cas, il y a pas d’ouvrage pour trois hommes, sur la terre. À plus forte raison, il y en a pas pour un qui a une passion et presquement tous les vices.

Sur le seuil, le Survenant saisit à la volée les dernières paroles d’Amable et dit :

— Il y a peut-être pas d’ouvrage pour toi, Amable, mais il y en a encore pour moi. Quant à avoir tous les vices, il s’en faut. Tout de même je m’en accorde quelques-uns. Mais j’ai pas de défaut. Tandis que toi, t’as pas un vice, pas un en tout. Seulement, tu possèdes tous les défauts.

Alphonsine rougit jusqu’à la racine des cheveux.

Le Survenant bâilla comme si, en parlant ainsi, uniquement par condescendance, il accomplissait une corvée dénuée d’intérêt à ses yeux, mais nécessaire aux autres. Il continua :

— Je renie pas ma passion, j’aime la boisson, ça