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LE SURVENANT

Après un léger somme, Venant bondit sur ses jambes. C’était dimanche. Il irait achever l’après-midi auprès d’Angélina. Il se rendit à la pompe. D’un unique et vigoureux coup de bras, il emplit le baquet et le renversa sur sa tête penchée. À l’aide de quatre doigts il peigna sa chevelure. Sa toilette ainsi faite, il se mit en route.

Vêtue de sa bonne robe d’alpaca gris garnie de padou noir sur laquelle elle avait épinglé, par suprême coquetterie, un bout de dentelle en jabot, Angélina, le visage reluisant de propreté, se berçait dans la balançoire, son missel à la main. Mais elle ne lisait point. Car d’aussi loin qu’elle vit Venant s’engager dans le chemin, vivement elle s’empressa de lui faire une place à ses côtés. Puis elle lissa ses cheveux et se pinça les joues.

Au lieu de s’asseoir près d’Angélina, Venant entra dans la maison. Une fraîcheur saisissante y régnait. Comme s’il en eût été le maître, d’une main ferme il fit claquer les contrevents et il s’installa à l’harmonium.

Par la fenêtre la musique parvint, adoucie, jusqu’à Angélina. Tout en dodelinant la tête, tout en se berçant, elle laissa son regard errer sur les alentours. Des champs lointains une odeur de miel arrivait jusqu’à elle. Que se passait-il dans le monde ? Jamais elle n’avait vu le chenal charrier pareille eau de pure