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LE SURVENANT

De mon bord, si j’aime pas l’ordinaire, pas même le temps de changer de hardes et je pars.

Cette façon droite de parler, ce langage de batailleur plurent à Didace. Cependant, il ne voulut rien en laisser voir. Il se contenta de répondre carrément :

— Reste le temps qu’il faudra !

Venant vint sur le point d’ajouter :

— En fait de marché, vous avez déjà connu pire, hé, le père ?

Mais il se retint à temps : le déploiement d’une trop grande vaillance, une fois la bataille gagnée, est peine perdue.

Ainsi il serait un de la maison. Longuement il examina la demeure des Beauchemin. Trapue, massive, et blanchie au lait de chaux, sous son toit noir en déclive douce, elle reposait, avec le fournil collé à elle, sur un monticule, à peine une butte, au cœur d’une touffe de liards. Un peu à l’écart en contre-bas se dressaient les bâtiments : au premier rang deux granges neuves qu’on avait érigées l’année précédente, énormes et imposantes, disposées en équerre, la plus avancée portant au faîte, en chiffres d’étain, la date de leur élévation : 1908. Puis, refoulé à l’arrière, l’entassement des anciennes dépendances recouvertes de chaumes : remise, tasserie, appentis encore utilisables, mais au bois pourri faiblissant de partout.