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MARIE-DIDACE

prendre sa charge. Puis, il y a eu la mort de mon père, il y a trois semaines, c’est vrai…

Une flamme brève durcit le regard de Phonsine.

— D’après toi, c’est pas des malheurs ?

— C’est des malheurs, sûrement. Des grands malheurs. Mais des malheurs… je sais pas trop comment dire… des malheurs naturels, qu’on peut pas exempter : tôt ou tard, toi, moi, on ira tous sur le coteau. Des malheurs qui se supportent, qu’on peut porter devant le monde, tu sais ce que je veux dire ; pas des malheurs qui font honte et qu’il faut cacher, comme le déshonneur, par exemple…

— Il manquerait p’us que ça ! s’indigna Phonsine. Pour en revenir à l’Acayenne… tout ce qu’elle peut faire pour attirer la petite, elle le fait. T’as vu tantôt ? Encore hier soir, par le vent qu’il faisait, Marie-Didace se plaignait d’avoir peur. C’était pas vrai. — La voix de Phonsine prit un ton de fierté. — Elle a peur de rien. Pour la dompter, je voulais qu’elle reste tranquille dans son lit. Ben, à matin, je l’ai trouvée couchée avec l’Acayenne. Tout en est ainsi.

Elle se tut, attendant de Marie-Amanda le secours d’une bonne parole.

Au ciel, un long nuage gris en forme de bateau voguait vers le port du couchant, nacré de rose et