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Page:Guaita - Rosa mystica, 1885.djvu/43

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préface

ment spéculative a peine à se faire concrète pour les besoins de la couleur. Son style est sobre timidement — j'en sais qui disent : « prudemment . » À cette heure que les plus téméraires audaces de forme sont devenues banales, tant il se trouve de médiocres pour les oser, Sully Prudhomme s'astreint encore aux sévères retenues de la tradition classique — dont les derniers adeptes, de plus en plus rares et dédaigneux de transiger, ne sollicitent, du fond de leur orgueilleuse solitude, que l’approbation discrète de quelques-uns…

M. Sully Prudhomme s’écrie avec enthousiasme :

Beauté, qui fais pareils à des temples nos corps !

Ce seul vers suffit à nous dévoiler son idéal, soit en poésie, soit en amour : le Beau qu'il rêve rayonne d’un doux éclat, en un nimbe de religieux mystère — quand il veut bien ne pas le dérober à nos yeux derrière une accumulation d’entités abstraites.

Hélas ! le sévère philosophe tend à croître en Sully Prudhomme, et peut-être étouffera-t-il un jour le poète exquis et naïf dont la voix fit couler de si délicieuses larmes. Certes, à notre goût, le vrai, le grand Sully Prudhomme est cet écrivain qui eût été digne de tracer