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LES SIÈCLES MORTS

Armé du nom des Dieux, va, Messager des femmes !
Briser le mur épais et les portes infâmes.
Va ! Qu’Ištar délivrée avec son Bien-aimé
Remonte plus brillante au ciel accoutumé ;
Qu’Ištar épuise l’outre éternelle et s’enivre
Des eaux de renaissance et des eaux qui font vivre,
Et qu’Allât, prosternant son front humilié,
Soit devant les Grands Dieux comme un roseau plié. —
L’Esprit parut. L’Aral chancela sur sa base.
Allât cria : — Maudit ! que le créneau t’écrase,
Que ton vin soit la mare et le cloaque impur,
Le manteau de ton corps la seule ombre du mur
Et que, plus dévorants que des oiseaux de proie,
Tous les maux inconnus s’acharnent sur ton foie ! —

Mais l’Esprit lumineux passait ; et devant lui
Le royaume, où jamais aucun astre n’a lui,
D’une lumière oblique éclairait ses cavernes ;
Et les morts réveillés voyaient, de leurs yeux ternes,
Rouler sur les gonds noirs les sept porches béants ;
Et moi-même, à travers de visqueux océans
De fange et de limon, j’accélérais ma course
Vers le lieu fatidique où jaillissait la Source,
L’Abîme où, débordant leur vasque de cristal,
Bouillonnaient l’Eau puissante et le Torrent vital.
C’était là. Parmi l’ombre immobile et bleuâtre,
Mon Bien-aimé buvait dans la coupe d’albâtre.
Dans ses veines d’azur, dans ses yeux entr’ouverts,
La vie et la clarté rayonnaient au travers ;