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de la soutane, qu’ils déposent et reprennent selon que leur intérêt l’exige. Encore le poète place-t-il Ladvenu, le pieux, fidèle et courageux confesseur de Jeanne, comme pour effacer l’ombre honteuse de ces faux prêtres.

Ce sont ces misérables qui poursuivent, accusent et perdent la jeune guerrière ; et non un général anglais, comme dans M. d’Avrigny, ou le duc de Bourgogne et le peuple d’une ville française comme dans M. Soumet. Schiller avait heureusement choisi l’ignoble Isabeau de Bavière pour en faire l’ennemie acharnée de Jeanne d’Arc : mais il avait oublié les convenances jusqu’à mettre en présence Agnès Sorel et la vierge de Domremi, jusqu’à les lier d’amitié, jusqu’à placer dans la bouche de Jeanne l’éloge de la maîtresse du roi, l’éloge de son amour adultère. M. Porchat, avec un tact exquis, n’a point voulu que ce nom vînt souiller un seul de ses vers consacrés à la guerrière chrétienne, qui rompit son épée victorieuse en chassant devant elle une courtisane échappée à son active surveillance. Ainsi l’œuvre de M. Porchat est aussi morale que touchante ; elle empreint l’âme d’une douce et calme sérénité ; elle inspire à la fois l’amour de la famille, le dévouement à la patrie, la confiance dans la religion qui peut produire une telle vie et une telle mort.

Le style est celui du sujet. M. Porchat annonce un drame, et non une tragédie : et il est permis de douter qu’il eût pu chausser du cothurne l’héroïne qu’il voulait montrer fille, sœur et bergère, à tous les instants où sa mission ne l’appelait plus aux camps. Comment la langue élevée et sévère de Melpomène aurait-elle pu rendre ces nuances si variées qui font le principal mérite de l’ouvrage de M. Porchat, et qui étaient sans doute son principal but ? Cela posé, ne nous étonnons plus d’une foule de tours familiers, d’expressions un peu pédestres, de coupes brusques et romantiques qui donnent au poëme en général une teinte de moyen-âge fort à sa place, et que pourtant une revue scrupuleuse pourra probablement éclaircir avec fruit. Mais, au milieu de ce langage qu’une critique rigide pourrait accuser d’étrangeté, brillent çà et là des traits sublimes, des tirades pleines d’une noble simplicité ou d’une chaleur entraînante ; alors la pureté du style égale sa hauteur. Enfin pour achever de