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et il tomba sans connaissance. Revenu à lui-même, il se mit à proférer ces plaintes :

— Vraiment, Guillaume, on avait l’habitude de te louer et partout on t’appelait Bras-de-fer ; mais dès aujourd’hui on me traitera de lâche et de couard, puisque j’abandonne celui qu’il est de mon devoir d’emporter et d’enterrer à Orange. Plutôt que de ne pas lui rendre tous les honneurs possibles, je devrais me laisser torturer et blesser.

Il retira le jeune homme d’entre les écus, et il monta sur Baucent ; il eut beaucoup de peine à relever le cadavre et il sua à grosses gouttes avant qu’il parvînt à le poser devant lui sur sa selle. Il espérait le porter à Orange, et sans retard il en prit le chemin.

Mais toutes les routes étaient couvertes d’infidèles, qui aperçurent bientôt le vaillant marquis et se mirent à sa poursuite.

— Dieu tout-puissant, dit Guillaume, on ne pourra me blâmer, si je le laisse maintenant.

Et les païens de crier :

— Jetez-le à terre, misérable !

Le comte pique des deux et revient en grande hâte vers l’endroit où il avait trouvé Vivian ; il le recouche au pied de l’arbre et le couvre de son grand bouclier. Puis il remonte à cheval en pleurant.

— Beau neveu, dit-il, je t’aimais bien ; si je te laisse ici, c’est à mon grand regret ; mais on ne doit pas m’en blâmer, car il n’y a homme qui vive qui osât t’emporter.

Il fit le signe de la croix et se mit en route avec toute la vitesse possible. Les païens le poursuivent en lui criant mille injures. Mais il ne pense qu’à fuir et non pas à répondre. Eux de galoper après lui. Le jour déclinait de plus en plus ; il commençait à faire nuit. Les païens firent garder toutes les issues et tous les chemins. Dans l’impossibilité de franchir vivant leurs lignes pendant l’obscurité, le noble comte retourna près du cadavre de Vivian, qu’il