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Page:Guillaumin - La Vie d’un simple, 1904.djvu/285

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l’entrée par l’impression de misère qui régnait dans la chaumière et qui me rappelait l’aspect du logis de ma mère, aux derniers moments de sa vie. Clémentine vieillie, l’air épuisé, d’une pâleur de mort, donnait à téter à son petit dernier qui s’acharnait goulument à tirer ses seins flasques. Elle sourit pourtant en me voyant entrer. En même temps que je lui demandais des nouvelles de sa santé, me revint le souvenir d’une autre scène dont cette chaumière avait été témoin certain matin d’été que j’étais venu demander à boire à sa locataire d’alors…

— Ça ne va pas trop bien, papa, me dit-elle. Il me faudrait des bons soins que je ne peux pas me donner.

Son souffle était court ; ses phrases se terminaient en une modulation affaiblie, imperceptible presque. Je passai avec elle le reste de la journée ; en partant, je lui remis vingt francs et proposai de lui envoyer le médecin, mais elle refusa.

— Je ne suis pas assez malade pour avoir le médecin ; et puis c’est trop coûteux pour nous !

On a cette coutume à la campagne de n’avoir recours au médecin que quand on se sent très malade. Si le cas ne paraît pas trop grave, on se fait de la tisane, on se traite soi-même. La voiture du docteur dans les rues de fermes boueuses et cahoteuses a un luxe qui trouble et un sens macabre. Ceux qui la voient passer en sont émus ; ils disent :

— Le médecin est allé à tel endroit, voir telle personne.

Et ils ne sont pas loin de croire que la dite personne est perdue.

Ce fut, hélas ! bien le cas pour Clémentine. Quelques jours après ma visite elle en vint à ne plus pouvoir se lever. Alors son mari envoya chercher à Bourbon le docteur Picaud : (Fauconnet, conseiller général et dé-