Page:Guillois - Le Salon de Madame Helvétius, 1894.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
288
LA SECONDE SOCIÉTÉ D’AUTEUIL

personne et qu’il se rendit à l’Arsenal où demeurait l’oculiste Wenzel. Il se fît opérer les deux yeux « pour n’avoir pas à se réveiller aussitôt une autre fois *, mit un bandeau, plaça ses cristallins enlevés dans sa poche et rentra chez lui aussi tranquillement que s’il venait d’une promenade ou d’une visite.

Enthousiaste de Voltaire qu’il se faisait lire et dont il aimait à réciter les chefs-d’œuvre, Tracy était resté, dans une période avancée du dix-neuvième siècle, l’homme de qualité du règne de Louis XVI, imbu déjà des idées de la Révolution. C’est ainsi qu’il n’admettait pas, dans ses terres, qu’une cloche annonçât l’heure des repas, « par ce qu’il ne voulait pas humilier ceux qui n’en avaient pas. » Mais, en revanche, il aimait à montrer les portraits de ses ancêtres et les cordons bleus de sa famille, sans songer qu’il pouvait blesser ainsi ceux qui n’étaient pas d’aussi bonne race que lui.

Tracy ne comprenait pas les modes nouvelles qui permettent aux hommes de porter des gants devant les dames et d’aller, le soir, en bottes, dans leurs salons. C’était là pour lui des choses indécentes et bonnes seulement pour des valets d’écurie.

Un seul jour, il essaya de mettre un pantalon et il en fut tellement gêné qu’il y renonça. C’est ainsi qu’on put le voir, lors de la Révolution de 1830, s’engager, seul, en bas de soie, le visage surmonté d’un vaste abat-jour vert, une longue canne à la main, au milieu des barricades.

Ce jour-là, Tracy, qui avait eu tant à souffrir de la