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vie de saint léger

dans son âme une grande fureur contre le serviteur de Dieu ; et comme ils ne trouvaient pas d’accusation véritable, ils forgent un mensonge plein de fausseté, parlant enfin comme si, pendant que tous se soumettaient aux ordres d’Ébroin, le seul évêque Léger les méprisait.

Ébroin était enflammé d’un tel amour d’argent que ceux qui lui en donnaient davantage avaient toujours gain de cause auprès de lui ; et tandis que les uns lui donnaient de l’argent par peur, d’autres pour obtenir justice, les esprits de quelques hommes, pleins de douleur de se voir, ainsi dépouillés, étaient irrités contre lui. Non seulement il faisait cet inique commerce, mais, pour une légère offense, il répandait le sang de beaucoup de nobles innocens. Il avait pour Léger une haine particulière, parce qu’il ne pouvait le vaincre par ses paroles, parce que Léger ne lui payait aucun tribut de flatterie, et aussi parce qu’il connaissait ce pontife pour intrépide contre toutes les menaces. Il fit un édit tyrannique pour que nul des Bourguignons ne pût se présenter au palais sans en avoir reçu l’ordre. Alors tous, pleins d’une grande frayeur, soupçonnèrent qu’il avait imaginé cela pour combler ses crimes, et tourmenter les uns par la perte de la vie, les autres par des amendes sur leurs biens. Pendant que cette affaire était en train, le roi Clotaire, appelé par le Seigneur, sortit de cette vie[1]. Ébroin aurait dû convoquer solennellement tous les grands, et élever sur le trône Théodoric frère du roi ; mais enflé par un esprit superbe, il ne voulut pas les assembler. C’est pourquoi

  1. En 670.