Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/350

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ôté toute foi, les yeux fermés à la lumière de la vérité, et ne voyant aucun moyen de détruire le saint de Dieu, ils se décidèrent à un plus grand crime, à un prodigieux mensonge par lequel ils attirèrent sur le royaume de cruels malheurs, un énorme carnage, et la persécution de beaucoup de gens. Ils prirent un certain enfant, qu’ils prétendirent fils de Clotaire[1], et le proclamèrent roi d’Austrasie. Ils rassemblèrent ainsi autour d’eux et pour faire la guerre, beaucoup de gens à qui cela paraissait très vraisemblable, et quand par ces iniquités ils eurent soumis leur patrie, ils donnèrent des ordres aux juges au nom du faux roi qu’ils avaient élevé. Quiconque ne voulait pas acquiescer à leur parti perdait les droits de son rang, ou, s’il ne se dérobait par la fuite, périssait par le glaive. Combien de gens trompés par cette feinte crurent que Théodoric était mort, et que Clovis était fils de Clotaire ! Les premiers auteurs de cette fraude, presque les maîtres du palais, étaient Desiré surnommé Diddon, qui avait gouverné jadis la ville de Chalons, et son collègue Abbon qui avait en son pouvoir la ville de Valence. Ils ne sont pas dignes de porter le nom d’évêques ces hommes qui, pleins de désirs terrestres, veillent plutôt pour augmenter leur fortune par des gains temporels, que pour le salut des âmes qui leur sont confiées, et dont ils ne songent pas qu’il faudra rendre un jour compte à un juge sévère. Conduit par les conseils de tels prêtres et de tels grands, le tyran Ébroin fut ainsi élevé et aveuglé dans cette vie, jusqu’à ce que, toujours impénitent, il fût précipité dans l’enfer. Revenons à notre œuvre.

  1. Clovis III, qu’on fit passer pour fils de Clotaire III.