Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/352

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que Dieu veut m’appeler aux faveurs du ciel ; pourquoi emporterais-je avec moi ces choses qui ne m’y suivront pas ? Si cela vous convient, voici le parti que je prendrai : il vaut mieux donner ces trésors aux pauvres que d’errer çà et là dans le monde avec ce honteux fardeau. Imitons le bienheureux Laurent : il distribua et donna tout aux pauvres, et sa justice sera célébrée dans les siècles des siècles, et son nom demeure couvert de gloire. »

Il ordonna aussitôt aux gardiens de jeter hors des portes les plats d’argent et une infinité de vases pareils ; il fit appeler les argentiers avec leurs marteaux, pour qu’ils brisassent tout en petits morceaux, et commanda que le tout fût distribué aux pauvres par de fidèles dispensateurs ; il donna pour le service de l’église tout ce qui pouvait lui être utile ; il réjouit avec une partie de ce même trésor l’indigence de plusieurs monastères, tant d’hommes que de filles, situés dans la ville ou dans son territoire. Quelle veuve, quelle orpheline, quel pauvre ne fut pas alors comblé de ses largesses !

L’homme de Dieu, plein de l’esprit de sagesse, parla ainsi aux frères : « Mes frères, j’ai résolu de ne plus du tout penser au siècle, et de craindre bien plutôt le mal spirituel qu’un ennemi terrestre. Si un enfant de la chair a reçu de Dieu une telle puissance qu’il puisse persécuter, perdre, incendier, tuer, nous ne saurions en aucune façon lui échapper par la fuite. Si nous sommes conduits à l’observation des règles saintes par la perte des choses qui passent, ne désespérons pas ; réjouissons-nous plutôt dans l’espoir du pardon qui nous attend. Fortifions donc