Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/359

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donc en ce monde, car nous sommes débiteurs de la mort ; mais si nous portons patiemment ces douleurs, la vie où nous serons réjouis sans fin dans la gloire céleste nous attend. »

Alors les serviteurs d’Ébroin commencèrent à lapider Guérin lié à un tronc[1] ; pour lui il priait le Seigneur, en disant : Bon Seigneur Jésus, qui es venu appeler les pécheurs et non les justes, reçois l’esprit de ton serviteur ; et puisque tu veux bien me faire perdre à coups de pierres cette vie mortelle à l’exemple des martyrs, daigne, très clément Seigneur, m’accorder le pardon de mes péchés. En disant ces paroles, il rendit en priant le dernier souffle de vie. Le bienheureux Léger désirait finir sa vie avec son frère, pour partager avec lui la vie future et bienheureuse ; mais le tyran Ébroin voulut différer sa mort, pour lui préparer les peines éternelles par de longs tourmens, et pour qu’au lieu de recevoir la couronne du martyre, il se vît privé des récompenses célestes. Il ordonna qu’on le conduisit nu-pieds à travers une piscine semée de pierres aiguës et perçantes comme des clous ; ensuite il lui fit tailler les lèvres et les joues, et enlever la langue avec un fer tranchant ; afin que privé des yeux, les pieds percés, la langue et les lèvres coupées, ayant perdu toute joie et toute force de corps, ne pouvant plus ni reconnaître son chemin des yeux, ni y avancer avec les pieds, ni chanter avec la langue les louanges de Dieu, désespéré il tombât dans le blasphème, et se ravît ainsi lui-même le salut qu’en louant le ciel il eût mérité d’obtenir. Mais Dieu entend

  1. En 676.