Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/361

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demeure, et pria les gardes de lui permettre d’en approcher en secret : il le trouva couché sur la paille, couvert d’un vieux lambeau de tente, et ne respirant que d’un léger souffle ; mais au moment où il croyait le voir expirer sous ses yeux, il fut témoin d’un miracle inespéré ; car, au milieu des crachemens de sang, la langue et les lèvres coupées, Léger commença à parler comme à son ordinaire ; et comme l’incision des lèvres avait mis à nu les deux rangées des dents, elles rendirent le son des paroles comme il venait du souffle intérieur. Alors l’homme qui, sur le passage de l’évêque, était venu se présenter aux gardes, se mit à pleurer de joie, et alla en toute hâte annoncer ceci à l’évêque Herménaire. Quand celui-ci le sut, il supplia Waringue de l’introduire auprès du martyr de Dieu. Cela fut accordé à lui seul, et à cause de son mérite ; car tous craignirent Ébrémerde, c’est-à-dire, Ébroin, enfant de la perdition, paille d’enfer et cruel tyran. Le vertueux Herménaire, qui, après Léger, fut, comme nous l’avons dit, élevé à l’épiscopat, s’appliqua avec soin à guérir ses blessures, à le réconforter par la nourriture et la boisson, et le couvrit des meilleurs habits qu’il eût. On lui rendit des honneurs, non comme à un homme ordinaire, mais comme à un martyr dont on aurait fait la translation ; conduite qui assure le pardon à ceux qui l’ont tenue, non seulement pour leurs péchés passés, mais aussi pour les péchés à venir.

Lorsque Waringue eut conduit Léger dans sa demeure, par l’aide de la grâce de Dieu, ses lèvres et sa langue, contre l’ordre de la nature, commencèrent aussitôt à repousser, et j’ai entendu les paroles sortir de sa