Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/352

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arrosé de sang. Il y eut cette année une grande mortalité parmi le peuple : diverses maladies très dangereuses, et accompagnées de pustules et d’ampoules, causèrent la mort d’une grande quantité de gens ; beaucoup cependant y échappèrent à force de soins. Nous apprîmes que cette année la peste s’était cruellement fait sentir dans la ville de Narbonne, en telle sorte qu’il n’y avait aucun répit pour celui qui en était saisi.

Félix, évêque de la cité de Nantes, attaqué de la contagion, commença à se sentir grièvement malade. Alors, ayant appelé à lui les évêques du voisinage, il les supplia de se réunir pour confirmer, par sa signature, le choix qu’il avait fait de son neveu Bourguignon pour lui succéder. Ils le firent, et m’envoyèrent Bourguignon. Il avait alors près de vingt-cinq ans. Il vint me prier d’aller à Nantes, et, après l’avoir tonsuré, de le sacrer évêque à la place de son oncle qui vivait encore. Je le refusai, parce que je savais la chose contraire aux canons ; mais je lui donnai un conseil, et lui dis : « Il est écrit dans les canons, mon fils, que personne ne pourra parvenir à l’épiscopat, sans avoir d’abord régulièrement passé par les degrés de la hiérarchie ecclésiastique. Retourne donc, mon très cher fils, et demande à celui qui t’a élu de te tonsurer. Quand tu seras parvenu aux honneurs de la prêtrise, sois assidu à l’église, et lorsque Dieu voudra le retirer de ce monde, tu t’élèveras sans peine au rang d’évêque. » Mais lui s’en retourna, et négligea de suivre le conseil que je lui avais donné, parce que l’évêque Félix paraissait moins souffrir de sa maladie. Mais lorsque la fièvre l’eut quitté, l’hu-