Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/399

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les rangs serrés, nous arrivâmes a un endroit que nous avions déjà considéré de loin et sur lequel était suspendu un nuage plus lumineux que toute lumière ; on n’y pouvait distinguer ni le soleil, ni la lune, ni aucune étoile, et il brillait par sa propre clarté beaucoup plus que tous les astres ; de la nue sortait une voix semblable à la voix des grandes eaux. Moi, pauvre pécheur, j’étais salué humblement par des hommes en habits sacerdotaux et séculiers, et qui étaient, comme me l’apprirent ceux qui me précédaient, des martyrs et des confesseurs que nous adorons ici-bas avec le plus profond respect. M’étant placé dans l’endroit qu’on m’indiqua, je fus inondé d’un parfum d’une douceur excessive, qui me nourrit tellement que je n’ai encore ni faim ni soif. J’entendis une voix qui disait : Qu’il retourne sur la terre, car il est nécessaire à nos Églises. J’entendais une voix, car on ne pouvait voir celui qui parlait. M’étant prosterné sur le pavé, je disais en gémissant : Hélas ! hélas ! Seigneur, pourquoi m’as-tu fait connaître ces choses si je devais en être privé ? Voilà qu’aujourd’hui je suis rejeté de devant ta face pour retourner dans un monde fragile, et ne pouvoir plus revenir ici. Je t’en conjure, Seigneur, ne détourne pas de moi ta miséricorde ; je te supplie de me laisser habiter ce lieu, de peur qu’après en être sorti je ne périsse ; et la voix qui m’avait parlé dit : Vas en paix, car je suis ton gardien jusqu’à ce que je te reconduise ici. Ayant donc laissé mes compagnons, je descendis en pleurant, et sortis par la porte par où j’étais entré. » À ce