Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/22

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mite pour vous enseigner ce que vous avez à faire ? Si la vertu existe, chaque créature doit pouvoir d’elle-même la discerner et la mettre en pratique.

la femme, à part.

Je n’y avais point songé. (Haut.) Oui, vous avez raison, je résisterai bien seule, d’ailleurs, je chasserai bien seule ces idées qui m’obsèdent.

yuk.

Vous obsèdent, dites-vous ? Au contraire, elles vous sont agréables. Qu’il est doux de penser à cela tout le jour, de se figurer ainsi quelque chose de beau qui vous accompagne et vous entoure de ses deux bras !

la femme.

Chaque jour je me reproche ces pensées comme un crime, j’embrasse mes enfants pour me ramener à quelque chose de plus saint, mais hélas ! je vois toujours passer devant moi cette image tendre, confuse, voilée.

yuk.

Et lorsque le soir vient, n’est-ce pas ? et que les rayons du soleil meurent sur les dalles, que les fleurs d’oranger laissent passer leurs parfums, que les roses se referment, que tout s’endort, que la lune se lève dans ses nuages blancs, alors cette forme revient, elle entre, et cette bouche dit : « Aime-moi ! aime-moi ! viens ! si tu savais toutes les délices d’une nuit d’amour ! si tu savais comme l’âme s’y élargit, comme au grand jour heureux, nos deux corps nus sur un tapis, nous embrassant, si tu savais comme je prendrai tes hanches, comme j’embrasserai tes seins, comme je reposerai ma tête sur ton cœur et comme nous serons heureux, comme nous nous étendrons dans nos voluptés ! » N’est-ce pas ? c’est à cela qu’on pense, c’est